Chambre 326 - Jour 3

Publié le par La Betise

Peut-être qu’il vaut mieux se taire, peut-être qu’il vaut mieux s’abstenir et, finalement, se meurtrir en silence…

On dira que j’en fais bien trop…

« Se meurtrir », qu’est-ce que cela veut bien dire, « se mourir » ? Non, pas vraiment… Je ne sais pas au juste…

Rien de neuf en ce troisième jour. Ou probablement que si, cela ressemble un peu mieux  l’internement doré, avec visites autorisées, douche individuelle, alors, oui, ce n’est pas vraiment l’emprisonnement, la réclusion contrainte, mais enfin…

Hier, pas le courage… Pas la force, physique, non plus…

Hier, des examens prévus, des bilans, des pseudo entretiens, et rien n’a été fait.

Aujourd’hui, un réveil un peu brusque, précoce, à 4h30 du matin, par les cris d’une vieille dame. Je n’ai pas vraiment entendu ce qu’elle clamait, si ce n’est qu’elle souffrait. Je suis descendu en bas de l’immeuble, du côté des urgences, calmes, silencieuses, le gel avait recouvert le parking désert.

Puis, à 7h30, comme chaque jour ici, le rituel commence, la prise de sang, la carafe de jus de pomme ou d’orange, la température, la tension, le pouls, les médocs… Un peu plus tard, le petit déjeuner, un court laps de temps entre lequel je peux filer fumer une autre cigarette.

Mais ce matin, tout s’est enchaîné…

Tout ce qui était prévu hier, ou programmé pour « on ne sait quand », tout fut fait dans la matinée. A savoir, l’IRM médullaire, la version IRM du cou jusqu’au bas de la colonne vertébrale… Une version mouvante, longue, décuplée sur le registre de l’angoisse…

Et, alors que je m’apprêtais à repartir dans ma chambre, seul, sans attendre ses maudits accompagnateurs d’aides-soignants, on me dit que « non », j’étais attendu directement pour l’électromyogramme… Bon là, pour résumer, ce n’est qu’une batterie de petits tests franchement désagréables, au niveau des nerfs et des muscles, petites décharges progressives envoyées dans des zones bien précises (dans mon cas, l ‘hémisphère droit du corps), petites décharges électriques qui deviendront grosses décharges électriques !!! Puis « enfilade » de minuscules aiguilles dans les muscles en même temps que sont demandés des efforts de ces derniers. Genre, on te plante le pic et tu te l’enfonces toi même… Bon, allez, soyons honnêtes, ce n’est pas si douloureux que ça, encore que j’en ressors avec je ne sais combien de bleus éparpillés un peu partout…

Retour dans la chambre, le namoureux était là…

Il est toujours là le namoureux, je ne sais pas comment il fait, l’aurai-je fait ?

Alors, pour les résultats…

Depuis que le jour 1, c’est à dire depuis mon entrée ici, on a appris que mes plaquettes n’avaient jamais été aussi basses… Le seuil est logique est 150000, j’en avais 18000 à mon arrivée, 21000, ce matin… Et je revois encore la chef infirmière me dire que y’à de la progression avec son sourire de connasse narquoise ! Faut vous dire que mon taux de plaquettes de ne cesse de  jouer au yo-yo alors, bon, 3000 plaquettes de plus en un jour, ce qui en plus, n’a aucun valeur, faut pas qu’elle me prenne pour un débile… Tout ça pour dire qu’à cause de ces maudites plaquettes l’on ne peut pas me faire un examen essentiel : la ponction lombaire. Enfin si, on pourrait, sous transfusion, mais bon, ils n’ont pas l’air de se bousculer pour vouloir pratiquer la chose ici…

Pour l’électromyogramme, nickel, parfait, pas de soucis, d’ordre musculaire ou nerveux donc…

Pour l’IRM, il va falloir s’armer de patience ! Quand je passe un IRM en externe, j’ai le résultat immédiatement, et lorsque je le passe en interne, donc hospitalisé, il fait attendre la journée, voir le lendemain… Allez comprendre… On recherche, via cet examen, une éventuelle lésion de ma colonne, de ma moelle épinière, etc…

En réalité, voilà, aujourd’hui, ne restent plus que deux pronostics majeurs : une atteinte (lésion, infection..) de la moelle épinière, et là, bon, ben je vous fais pas de dessins… Ou alors nous en restons à la version de l’épilepsie et une non tolérance aux traitements due essentiellement à une dépression nerveuse sévère et bien ancrée ! Et puis quoi encore ! Enfin bref, la dépression, l’angoisse, le somatique, toujours la bonne explication pour expliquer ce que l’on ne sait expliquer !

Moi ? Comment je vais ?

Je déteste être ici, je maudis être ici. Physiquement, je ne me sens qu’empirer.

Un simple exemple, je ne peux baisser le cou en avant. Ce seul geste provoque vertiges et étourdissements voir douleurs, est-ce de l’angoisse ça ?

Je pensais avoir une permission de sortie pour ce week-end, je n’en aurai pas semble-t-il. Deux jours à attendre donc, sans examens, sans rien. Je ne peux même pas lire, regarder la télé, écrire (ce qui est fait ici relève de l’exploit !), bref, rien… Le vide…

Le namoureux sera là, s’il savait comme je l’aime. Il est curieux mon état, je n’arrive plus à être aimant, à le montrer, à être tendre, attentionné, à modérer avec douceur. Je ne suis pas là, ou sec et parfois brutal. Je ne le fais pas exprès, je ne le réalise même pas de suite, c’est étonnant.

Et puis, Benito, le fidèle ami, que je ne remercierai jamais assez…

Et puis, il y a ces deux ou trois autres personnes qui ne vivent guère loin d’ici, que l’on supposait bien ancrées à vos vies, et qui, ben ma foi, sont franchement bien distantes faut dire… Distantes ??? Absentes, pas un appel, pas une visite, rien… Merci… TU te reconnaîtras, VOUS vous reconnaîtrez…

Affaire à suivre….

Publié dans Quotidien

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un ptit mot pour le croco quand même : FOR-MI-DA-BLE! Question de génétique bien sûr...
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bon je vois qu'on a toujours la gnac pour balancer...ça ne peut être que bon signe...le rebellion, continue d'en avoir!
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M
On ne peut pas faire grand chose mais on veille aussi, sur nos gardes...<br /> Je sais ce que c'est que cette attente, ce w end à venir où tout tourne au ralenti et où on a envie d'être vite au lundi , ce lieu très carcéral où la seule évasion c'est de faire le tour du batiment d'un côté , de l'autre et de recommencer sans cesse, d'attendre, toujours attendre, d'essayer de se reposer mais où les horaires, les contraintes , les médocs font qu'on est toujours obligé de ne pas se reposer ..Nous avons vécu cela cet été et pire, c'était dans notre petite province bien moins civilisée que la cité lyonnaise. je l'ai vécu à la place de ton namoureux et le mien était à la tienne, toujours philosophe, patient, le vrai patient comme ils les aiment dans la grande maison blanche (cela s'appelle les Hauts Clos , ici et clos est le bon mot!)<br /> alors, on est là, on veille, on est sur nos gardes, on attend , comme toi..on panse, on pense...
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